Si j’étais …,
Pourquoi périodiquement n’arriverais-je pas
à classer les éléments de ma vie passée ?
Toutes ces molécules qui sont reliées à toi,
Si j’étais chimiste, je les ferais exploser.
Quelle loi régit les forces auxquelles je m’oppose
Et qui attirent pourtant les rêves que je fais ?
Je changerais au moins la gravité des choses
Si j’étais physicien : tu serais sans attrait !
Peut-on guérir d’une plaie sans un point ni un soin,
ou d’une maladie sans quelque potion infecte ?
L’amour aurait son médicament, son vaccin,
Si j’étais médecin, je serais sans affect.
Je ne serais épris, si j’avais un Nobel,
De tes hâtives leçons de sciences naturelles.
Pour Julie (sur la commande de Thomas)
Ton cœur est l’écueil de mon corps aimant,
Où s’échouent, tour à tour, les chalands
remplis de fleurs rouges d’amour cueillies
qui, sur l’onde claire, sombrent dans l’oubli.
Julie, j’entend ton « non » d’Héloïse
Que tes ardentes lèvres redisent
Au muscadin que tu crois être moi
Mais que je ne suis, Julie, que pour toi.
Pourquoi a-t-il fallu… ?
J’ai tout fait
Et la nuit était de blanc.
J’étouffe et
Je n’ai que 23 ans.
Mon cœur comme mon phallus
Sont en quarantaine !
Pourquoi a-t-il fallu
Que je t’aime ?
L’Aigle
Dissimulé dans son plumage fauve,
Son œil, un point noir et profond, guette
Les cieux vides et les étendues chauves
Où toute vie à sa Loi est sujette.
Ses serres acérés et son bec crochu
Menacent la peau et la chair des proies
Qui, manquant d’égard, ont été déchus
Et ne peuvent plus échapper à leur Roi.
Et les jours mornes laissent retentir,
Comme le glas, Ses cris stridents qui glacent
Les cœurs après les avoir fait frémir
Et rappellent le joug du Tyran en place !
Tel ce grand rapace, surveillant ma geôle,
L’Amour trône froidement sur mon épaule.
Comme quelque conque
Comme quelque conque portée à mes oreilles
A peine assoupies, j’entends déjà marine
Et hurlante la houle de ses narines
Qui me berce las alors que je ne sommeille.
Puis ses cheveux poussés par milles saccades
Laissent se promener sur mon visage pâle
Des centaines d’araignées que je chasse mal
Car reviennent éternellement les myriades.
Ensuite sur mon corps ses membres s’accrochent
Tel un parasite sur son hôte sans langue,
Elle épuise le bras devenu exsangue
Dans une musique de nuit sans croches.
Et j’attends les grandes étendues du matin
- En observant le noir si figé sans trêve,
Je pense à mes nuits suspendues sans rêve -
Où, seul en mon lit, je serai yeux clos enfin.
Des fois
Je me dis parfois que je ne vis que des fois !
Et ces fois-là quand j’y pense je n’ose à peine les compter du bout de doigts ;
Et ces fois-là quand j’y pense je n’ose à peine les conter du bout des lèvres ;
Et, à chaque fois, pourtant je les fais briller tel un orfèvre.
Et, à chaque fois, pourtant je rassemble mes joyaux dérisoires,
Je comprends pourquoi, alors, en une fois, je ne dors le soir ;
Je comprends pourquoi, alors, en une fois, je ne les jette…
Car j’ai bien trop peur de n’avoir plus rien dans la tête ;
Car j’ai bien trop peur de ne vivre, ne serait-ce, encore une fois.
Je me dis parfois que je ne vis encore que par toi.
Transpiration
Je marche - seuls les pigeons me regardent -
Je n’ai aucune raison de stresser
Car à peine les rayons solaires dardent ;
Et pourtant ce corps je n’arrive à dresser.
Mais je suis sûr qu’il ne m’appartient point.
J’ai beau serré mes yeux, fermé les poings :
Je le sens bien pleurer sous ses épaules !
Ses larmes sursalées dégoulinent
Parcourant la surface de ma geôle
Dans laquelle je voudrais que tu termines.
La vie m’a ravi
La vie m’a ravi,
J’avais envie à vie
De toi, mon cœur.
Puis la vie m’a ravi … ton cœur.
Maintenant, sans avis,
Je vis d’un air ravi
Une vie qui m’écœure
Ma tête est un vieux projecteur détraqué
Ma tête est un vieux projecteur détraqué
Redéroulant cette bande qui s’efface.
Du passé, il ne reste que l’être aimé :
Sur une plaie jamais cicatrisée, je repasse.
Et quand mes yeux se ferment, sous mes lourdes paupières,
Des images grises, fanées par le temps, s’entassent
- des souvenirs qui me replongent dans des prières
pour que ma blessure mal soignée, enfin, se passe.
Ma tête est un vieux projecteur détraqué
Redéroulant cette bande qui s’efface.
Du passé, il ne reste que l’être aimé :
Sur une plaie jamais cicatrisée, je repasse.
Sous le poids de ses valises de chair, je peine
Arrangeant toutes les affaires qui dépassent
Afin d’arriver à les reclore sans gène
Comme cette coupure encore ouverte que j’agace.
Ma tête est un vieux projecteur détraqué
Redéroulant cette bande qui s’efface.
Du passé, il ne reste que l’être aimé :
Sur une plaie jamais cicatrisée, je repasse.
Et qu’il fasse jour ou nuit, c’est la même pagaille
Qui règne parmi les maints clichés que j’amasse
Et que je regarde au fond de mon entaille
béante et s’élargissant à force - je ressasse.
Ma tête est un vieux projecteur détraqué
Redéroulant cette bande qui s’efface.
Du passé, il ne reste que l’être aimé :
Sur une plaie jamais cicatrisée, je repasse.
Mes rêves blancs ressemblent à mes noirs cauchemars !
C’est encore ce film monochrome que retracent
Des fragments de douleurs, des morceaux de couleurs
qui s’infectent dans cette meurtrissure qui grimace.
Ma tête est un vieux projecteur détraqué
Redéroulant cette bande qui s’efface.
Du passé, il ne reste que l’être aimé :
Sur une plaie jamais cicatrisée, je repasse.
Par dessus ma couche, les images saccadées
Emplissent ma vie décalée où se replace
Le même visage aimée, ne cessant de saccager
Mon cœur mutilé que la putréfaction menace.
Ma tête est un vieux projecteur détraqué
Redéroulant cette bande qui s’efface.
Du passé, il ne reste que l’être aimé :
Sur une plaie jamais cicatrisée, je repasse.
Dans la mort, les contusions et les ecchymoses
Et même les ulcères disparaissent sans trace ;
Mais en moi elle prendra encore une fois la pose
Et mon corps en gardera une balafre pugnace.
Ma tête est un vieux projecteur détraqué
Redéroulant cette bande qui s’efface.
Du passé, il ne reste que l’être aimé :
Sur une plaie jamais cicatrisée, je repasse.
…
Mais, un jour, j’espère, j’irai me reposer
Dans le néant, là où il n’y a plus de masse,
Là où mon cœur gros ne pourra plus me peser.
J’irai oublier cet amour qui ne trépasse
Ma tête est un vieux projecteur détraqué
Déroulant cette bande qui ne s’efface.
A présent, il ne me reste que l’être aimé
Pour cicatriser, à jamais, la plaie : je fais face.
L’étalon
Le mors aux lèvres, je bave et rues
Devant ces corps suaves et nus.
Tapant de mes talons, je trépigne
De ne les voir courber l’échine
Devant moi qui me sens l’étalon
… d’Achille.
Tout part ! … Tout !
Tu veux des bisous tout partout.
Pourtant les bisous partent tous :
Ils volent de main en joue
Et après demain en bouche.
Les baisers ne font que passer
Car ils n’existent qu’au passé !
Et assurément volés ils ne peuvent être
s’effaçant ici pour ailleurs renaître.
Et si je ne veux plus t’embrasser,
C’est qu’aujourd’hui j’en ai assez
Et qu’en moi j’ai laissé
Bien plus que la simple envie de baiser.
Le coffre forcé
Mon corps est un coffre incrusté de joyaux noirs,
De fragments d’os taillés de mauvaise facture,
D’émaux champlevés de plomb et parfois d’ivoire
Et qui porte à vif les griffes d’une créature.
Pas une pièce d’or, pas un tissus précieux,
Aucun objet de roi ou carte de pirate,
Pas même une relique d’un sein vigoureux,
Nul trésor est conservé au cœur de la boite.
Des chaînes à gros maillons, un petit trousseau,
Un cadenas dont est resté ouvert l’arceau
Traînent à côté de mon orgueil sur le sol;
Mais en me donnant un peu de peine, on peut voir
Dans un coin de la cassette la date du vol
et le prénom de celle gravée dans ma mémoire.
Stuc et toc
J’aimerais être à ton poignet délicat
Ou à ton oreille bien ourlée le pendeloque
Qui au cours de soirées te parlerait tout bas
De mes amours futiles dont tu te moques.
Je continuerais à vivre pendu à toi
En étant à la fois un triste soliloque
Et une petite marionnette de bois
Qu’on agite souvent et qu’un jour se disloque.
J’abandonnerais mes habitudes de cénobite,
Mes chaussures noires et mes habits un peu glauques
pour adopter tes coutumes de sybarite,
tes costumes plein de strass et de trucs en toc
déambuler dans Paris à une autre époque
ou dans ces lieux où il n’y a plus de stuc en stock.
Les sens s’embrasent
Quand la nuit est longue et s’écoule dans leurs yeux
- Pétillants en de petites bulles dorées -
Et que brûlent les cœurs aux volants d’ardents feux,
Sans se soucier d’être surpris, sourds, par l’orée,
Les corps, sur leur vêtement fleuri, déchaussés,
En âge, passent aux rapports à toutes vitesses
Pour que, instant éternel, l’essor exhaussé
embrasent les sens, ainsi que leurs ivresses.
Et le matin ocré, suspendu dans leurs yeux,
Offre leurs membres en croix étendus aux cieux.
Quand de leur bouche claire à peine ouverte
S’échappent de lentes volutes de vapeurs,
la jeunesse nacrée gît en l’herbe mouillée et verte
où se courent les sirènes bleues sans lueurs.
Sous les ponts
Trop d’eaux sont passées sous les ponts
Trop de maux sont passés sous nos ponts
Ils sont coupés de tant d’émois
Je suis effondré du temps des mois
Trop d’eaux sont passées sous les ponts
Trop de mots sont passés sur tes pas
Des pans de moi gisent dans le lit vide
Et pend du toi mon cadavre livide
aimer sans Aimer
Quand tu me parlais, j’entendais sans écouter ;
Quand il fallait voir, je ne faisais que regarder ;
Quand tu me demandais de t’exprimer mes sentiments,
Comment aurais-je pu te dire que je t’aime sans t’aimer vraiment ?
On peut entendre sans écouter ;
On peut regarder sans voir ;
Et on peut aussi aimer sans aimer
Quand on vit sans même exister.
Mon visage décomposé
Mes paupières, ces vieux et lourds fermoirs rouillés,
Sur tes yeux incrustés de diamants, d’émeraudes
De topaze et d’ambre, se sont verrouillées
Dans mes cils collés et mes longues larmes chaudes.
Mes oreilles, ces crochets mal lavés et velus,
Ont poinçonné tes mots brodés de fils d’or
d’argent, de platine dans mon cuir chevelu
appauvri de phanères chaque jour encore.
Et mon nez poilu, rougie, cette autre alêne,
Ce mousqueton affreux, accroché au visage,
S’est enrhumé à trop humer ta douce haleine
Et le parfum de ton corps laissé au passage.
Et ma bouche ! Ma bouche aux grosses babines,
Cette boite béante avec ces barreaux jaunis,
Contre ta bouche rubis, tes lèvres purpurines
M’ont laissé un goût dont je devrais être honnis.
Le déclic
J’allais en voyage comme j’étais en amour :
Je réservais sans escale depuis Internet ;
J’avais passé l’âge de faire des détours
Alors je multipliais les vaines conquêtes.
J’allais au naufrage comme j’étais en amour :
Je visitais les plus beaux sites de la planète
Quand, sur une p(l)age de mon pauvre parcours,
Une inconnue d’un clic me fit perdre la tête.