voici mon avatar 'South Park' fait par François
Il pleut des perles d’obsidienne, chaque soir.
Il pleut des perles d’obsidienne, chaque soir,
Qui, comme des obus, contre le sol éclatent ;
Et la terre en crache des gerbes coupantes et noires
Dans des spasmes qui la parcourent et la dilatent.
Il pleut des perles d’obsidienne, chaque soir,
Sorties des rides ténébreuses de nuages bas
et lourds se plantant tels des milliers de dards
dans une peau qui a abandonné le combat.
Il pleut des perles d’obsidienne, chaque soir ;
Je les observe crevasser le cœur des rocs,
La panse de la chaussée, le bras du trottoir -
De ma fenêtre, sombre un monde couvert de cloques.
Il pleut des perles d’obsidienne, chaque soir.
Et, chaque soir, je les pleure pour ensuite les reboire.
Sans ouie sans nom
Je suis cerné, si fatigué
Et je ne voudrais ne plus penser,
Je voudrais être saoul,
Etre un alcoolique,
Un drogué… et surtout ne plus penser…
Ne plus entendre aussi
Alors j’augmente encore le son.
Et tout grésille déjà dans mes oreilles.
Ou peut-être est-ce mes oreilles qui grésillent ?
Mais peu m’emporte : le tout est d’être sans ouïe, sans nom
Et de danser dans la foule,
De se fatiguer encore !
Et la musique me donne le tournis,
Et elle dit un coup « oui », et puis « non ! ».
et je n’en dors…
La chute
Afin d’estimer sa longue chute sourde,
La pierre tombe, dans les nues sombres lancée ;
Flottant dans le puit, elle reste lourde
Et ne crie qu’en atteignant le fond espéré.
Le hurlement rauque rassure les amants
Qui s’embrassent et s’amusent sur les rebords
Du trou béant – ils se soucient guère du néant
Et précipitent dans le vide le roc sans remords.
Pareil au pauvre caillou qui n’a, comme espoir,
Que d’attraper la corde pour sortir du noir,
Tu m’as jeté dans ton silence de « chut ! »
Qui ne cesse en mon cœur de creuser le trou.
Enfermé contre mes démons, depuis, je lutte…
Mais la mort salvatrice m’y attend au bout.
L'horizon de la rive
Dans le fracas des vagues successives,
les mers entonnent le doux compte à rebours.
Et les grandes lames vertes récidivent
Se brisant sur les blocs des alentours.
Les abîmes – eux qui ont porté l’Amour –
Déchaînent toute furie sur les rives ;
Les hommes qu’elle a portés tour à tour
Sont précipités vers l’eau incisive
Qui accomplit sa tache tel Sisyphe,
Ne laissant à quiconque aucun recours.
La grève n’est qu’une vaste plaie vive
Où les océans écartent les secours.
Les continents sombrent dans un bruit sourd
Vers l’intérieur d’un globe à la dérive
Depuis que je ne te vois plus tous les jours
Pour partager l’horizon de la rive.
Nous sommes putrides
Nous sommes tous putrides,
Nous sommes un tas de porcs puants!
Pourquoi toutes ces humeurs humides
S’échappent et s’évacuent de nos pores béants ?
De visqueuses matières collent nos viscères
Qui parcimonieusement suppurent tant de miasmes
S’écoulant, épais et purulent, dans nos artères
Tel un vomis dont, écœuré, j’en ressens les spasmes.
Extirpés de leur antre des vers de sanie fielleux
Huilent de sébum nos jeunes peaux pleines d’acné ;
Vieux, nous lutterons avec un acharnement fiévreux
Gavés de médicaments mielleux contre nos acmés.
Quelle putréfaction intérieure nous attend.
Quand l’alopécie rongera nos soucieuses têtes,
Alors nous tenterons de nos sous tout traitement
Pour retrouver dans nos jeunesses ce que l’on regrette.
Jusqu’au jour où quotidiennement je renâclerai déprimé
Dans une grande maison le remugle de lents humains,
Vidé par lavements, touché rectalement et nourri de comprimés
Espérant enfin retrouver une dignité dans un bref lendemain.
De vagues pyorrhées inondent mon immonde monde.
J’écris - j’excorie à chaque touche un morceau de moi -
A quel point j’exècre notre âpre nature inféconde
Et notre vie sursitaire sur cette terre soufrée d’émois.
J’ai la nausée, même l’eau diaphane est sans saveur,
Je suffoque un air astringent dans une lumière mièvre
Je souffre d’un asthme irritant, je sens ma moiteur
Et aucun cataplasme naturel ne fait chuter ma fièvre.
Je sens sur ma langue couler les affres vitales ;
J’aimerais que mes cellules empoisonnées apoptosent
Mais le processus irréversible cancéreusement s’étale.
Ulcéré, j’attend que l’âge engendre la ptôse !
Etendu apathiquement, pâlement raidi,
De la salive suinte aux commissures de mes lèvres claires
Mes organes se rubéfient, mon tissus conjonctif se liquéfie
Et ma peau suave et talée colle de sueur mon suaire.
Les dernières salves de mon cœur seront une félicité.
la mort insipide est le seul et salubre remède :
je suis dégoûté et aucune intérieure ou future beauté
dans mon prochain me fait douter et me vient en aide.
Animal Minuscule
Je lisais mes cours de physiologie végétale
quand une fourmi, minuscule animal,
à la démarche titubante, épuisée,
vint semblant en ma sollicitude puiser.
Troublé, je ressentis notre solitude :
Seuls, sur la grande surface de platitudes
De mon classeur éclairé de lumière terne,
Je remarquais que j’avais aussi des cernes.
Dans une pièce déjà trop grande et tant vide
pour moi, je pensais au triste parcours sans guide
qu’elle parcourait inlassablement en un rond,
ou plutôt en un grand huit sur l’horizon.
Elle explorait mon doux classeur en une danse,
Puis se rembourbait en mon tapis si peu dense
Et rêche dont les quelques fibres se jouaient
Des six petites pattes articulées.
Je restais observateur, les yeux atterrés,
Allongé sur mon lit, et, tel un naufragé,
Elle s’accrochait à son île, désespérément,
Une nouvelle feuille vierge, déserte d’amants.
Alors elle repartit dans sa quête folle
Qui mena à la surface lisse d’Alcools ;
S’imprégnant vacillante de quelques lignes,
Elle alla chancelante, un peu moins digne :
Elle visitait encore les mêmes havres
Pendant une heure ; je la revis cadavre,
Dans un coin sombre, séchée sur la moquette.
L’espoir l’avait fait marcher vers d’autres conquêtes
Pour la gloire de sa grande reine mère.
Et moi, je gisais las et je n’étais amer
Que pour moi ! ma bouteille d’eau fermée à coté,
Je travaillais mes dérisoires examens notés.
L’humanité trébuchante est une fourmilière
Dont les sujets égoïstes et éphémères,
hermétiquement enfermés en leur monde,
croient en eux ou en un guide qui les gronde.
Mais l’homme, à l’instar du misérable insecte,
Ne désire que de marquer de son pas la vaste secte.
Et pourtant que nous mourrions ignorés ou pas,
N’empêchera l’univers de suivre nos trépas.