voici mon avatar 'South Park' fait par François
À poil, les bonobos
Sur la rive gauche du grand fleuve Congo,
Se balançaient tranquillement aux hautes branches
De grands singes peu familiers et rigolos
Qui très souvent marchent debout et se déhanchent.
Et parce qu’ils marchent debout et se déhanchent,
Les savants primates ont-ils une parenté
Avec ces chimpanzés pygmés aux longues manches
Qui passent matin et soir à se contenter ?
Et parce que passer son temps à se contenter
Fait disparaître les disputes conjugales,
La science observe ses femelles enchantées
Se faire épouiller par leurs dociles mâles ;
Et parce qu’épouiller offre le bonheur social
Pourquoi ne pas tous se laisser pousser les poils ?
De pang goling, celui qui s’enroule
Le pangolin ressemble à un tatou rouge
Et un oryctérope,
Il s’enroule vite dès qu’une feuille bouge
Car il est un peu myope.
J’aime bien jouer au bille avec les cloportes,
Grimper en haut des arbres,
Martyriser les fourmis qui passent ma porte
Et meurent sur les marbres.
Il a la langue très longue des fourmiliers
Mais pas la moindre dent :
Ce serait le parfait animal familier
S’il n’était pas si lent.
J’aime bien coller ma bouche et puis baver
Sur les carreaux des cars
Même si ma mère me dit après de laver,
Qu’est-ce que je me marre !
C’est un mammifère, un insectivore
Couvert d’écailles dures
Qui a des doigts griffus et qui adore
Chercher dans les ordures.
J’aimerais bien en avoir un de pangolin
Et je lui tirerais
Une à une ces écailles - pour faire un câlin -
Tel un artichaut frais.
Je suis cet insecte sombre et dur
Qui fouille dans les déjections des autres,
Me donne le soir venu des allures
Et, en pensant à moi, dit « à la votre ! ».
Je suis ce cancrelat dans les ordures
Fuyant la lumière et dans votre dos
Profite des miettes, de la confiture -
Puis je crache et referme le pot.
Je suis ce cloporte noir et humide
Qui s’enroule ou bien se carapate
Dans les conduites et les coins putrides
Où la crasse épaisse forme une pâte.
Je suis cet insecte sombre et dur
Qu’il faudrait écraser en un seul coup,
Dont on admire la réussite sure :
Les insecticides n’en viendront à bout !
Le bousier
Le scarabée stercoraire au crépuscule
Vole à ras de terre parmi les moucherons
Et les moustiques paludéens qui pullulent
Près des rives humides à papyrus et à joncs.
Sa carapace a des reflets qui ondulent
Comme les noires eaux du Nil où le limon
Mêle sa fertilité pleines de particules
aux grains de sable des déserts de Pharaon.
Il cherche dans les étendues de panicules,
Les champs d’épis et les parterres de capitules
La manne molle des vaches ou des bufflons
Dont ses six pattes velues et ses mandibules
Pétriront une Terre ronde tel une bulle
Qui roulera sous le Soleil à reculons.
Les crèmes brûlées des étendues clôturées,
Les crêpes chocolatées des vastes pacages,
Les galettes bovines des verts pâturages,
Les tartes cramoisies des glèbes indurées,
Les entremets fumants des prairies alpestres,
Les gâteaux tièdes des superficies broutables,
Les œufs pascals cachés dans le foin des étables
Et les truffes des terres caprines du bourgmestre
Etaient le festin des horizons édaphiques
Auquel s’attablaient une faune prolifique
De mouches aux reflets violacés qui bombinent,
De scarabées à cornes noires, d’acariens,
De collemboles et de petits lombriciens
Lentement empoisonnés par l’ivermectine.
Des lézards singuliers déploient leur éventail
et flottent dans le vent léger comme une voile
Qu’un marin désespéré de la mer affale
Près des côtes légères et dentelées d’écailles.
Des lémuriens volants, des galéopithèques,
Sont sur les îles de la Sonde si maladroits
Et si téméraires quand il se jettent en croix
Dans le vide pour une vulgaire pastèque.
Grâce à leurs longues nageoires pectorales
Des poissons exocets se propulsent hors de l’eau
Et font des ricochets à la proue des bateaux
Au dessus de leurs congénères cannibales.
Des grenouilles ambitieuses de leur œil glauque
Convoitant les mouches près de ce nénuphar -
le plus éloigné du bord boueux de la mare -
déploient les palmures de leurs pattes en cloque.
Sur les eucalyptus à l’écorce marbrée,
La membrane velue du pétaure s’étale
En plus du repli de sa poche marsupial
Où se logent les ridicules phalangers.
Des écureuils écrasés par quelque caillou
Ou tombés une fois d’un arbre de large souche
Planent dans les feuilles, leur peau de polatouches
Tendue entre la queue plate et l’abajoue.
Dans les dédales des contrées équatoriales,
A l’abri du soleil qui fait fondre la cire
sont cachés les fils d’Icare et les vampires
au patagium translucide comme un pétale.
Les chauve-souris se sont vendues
Au diable pour leur doigté alaire
Et leur belle ceinture scapulaire -
Belles condamnées à être pendues
Au tréfonds des cavités calcaires.
Leurs ailes de toiles tendues -
Ailes maudites de chiroptère
Au pouce griffé de la misère -
Bruissent comme la mort advenue
Dans l’obscurité crépusculaire.
Belles condamnées à être sangsue :
Les hirudinées des mares d’éther
Poussent des cris la gueule amère -
Des cris et des hurlements perdus
Qui leur servent de tristes repères.
Le diable leur a ôté la vue
En échange d’attributs aviaires ;
A leur tour, elles volent en enfer
Sans l’ombre d’un espoir de rendu
De la lueur des réverbères.
Condamnées à crier à la nue,
Des paroles passant à travers
Tous les murs insonores des airs,
Des cris à gueule et à cœur fendus
Qui passent les gorges de travers.
Vampires, les diables descendus,
Noctules, les damnés dans la chair,
Roussettes, les suppôts sanguinaires :
Belles condamnées à être mal vue
pour avoir voulu quitter la terre.
Le castor a le corps trapu et grassouillet
De l’animal qui, le long des rives d’un lac,
Sur les berges d’un étang ou du Potomac,
Entre deux îles, entreprend de grands chantiers.
Le cou épais, le dos voûté et massif,
La tête enfoncée dans les épaules larges,
Il coupe, hisse des troncs et construit des barges
Qui sont parfois emportées par les flots passifs.
Les deux incisives jaunes oranges qui s’usent
Plus vite à l’arrière qu’à l’avant sont la hache
Servant à manger et à œuvrer sans relâche
A la longue construction de nouvelles écluses.
Prêt à se cacher dans les enchevêtrements
D’arbres et de branches qui constituent la digue,
L’ouvrier dévore l’écorce de la bigue,
Le bouleau, le tremble, le saule d’un montant.
La queue large et écailleuse sert à la nage
Et du plat elle claque à la surface de l’eau
Quand approchent loutres, lynx, visons, louveteaux
Ou quelqu’autre glouton avide de carnage.
Debout sur ses pattes palmées, le castor griffe
Le grand peuplier à la sève délectable,
Joue avec les samares volants de l’érable
Aux couleurs indiennes de l’automne tardif.
Durant l’hiver rude et blanc, le bûcheron
S’en va chercher du petit bois au clair de lune
les yeux emmitouflés dans la fourrure brune
faite de bourres rousses et de jarres marron.
Le printemps reviendra mettre de l’ordre aux choses :
Le castor se dégourdira sans trop attendre,
les dents biseautées, se nourrira du plus tendre,
Plongera dans la rivière les narines closes…
La tortue avance sur le sable
Et trébuche sur le même écueil,
La douleur et la chaleur palpables,
Une larme de sel au coin de l’œil.
La nuit, les œufs et leurs enveloppes
Tombent dans un intime effort
Dont seuls sont témoins les nyctalopes
Aux yeux brillants comme des photophores.
Le soleil bienveillant chauffera
Le monticule de terre enceinte
Et les carapaces des défuntes
Que l’océan ne recueillit pas.