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12 janvier 2010 2 12 /01 /janvier /2010 09:07
Ce matin, je me suis réveillé avec la musique de Melody dans la tête. Hier soir, à Nice, il y avait l'avant-première du film Gainsbourg. J'ai donc pris le train lundi après-midi et acheté mon billet dès 14h car je ne voulais rater cet événement. Mon retour s'est éternisé en bus. Je suis arrivé à 1h chez moi, sur Cannes. Dans cette attente où seuls des ombres errent, j'ai ruminé l'oeuvre de Joann Sfar. Je vous retranscris à présent mes ressentis et leurs interprétations.

L'ENFANCE FAIT L'ADULTE

Le film débute avec l'enfance de l'artiste qui est joué Kacey MOTTET KLEIN. L'interprétation du jeune comédien est excellente. Lucien aurait été un enfant malicieux, rejeté par les gamines de son âge mais qui charmait déjà les femmes par le verbe et l'audace. Puis une transition judicieuse basée sur l'intemporalité et l'omniprésence de la clope chez Gainsbourg s'opère et on arrive à l'adulte. Des réapparitions récurrentes (sur la plage notamment) montrent l'importance de l'enfance dans la réalisation d'un homme quelqu'il soit mais d'autant plus lorsque l'on parle d'un artiste comme Gainsbourg.
Gainsbourg.JPG Gainsbourg 2 Gainsbourg 3 

LES RENCONTRES (et les Femmes) FONT L'HOMME

Éric ELMOSNINO excelle aussi. Et je ne pense pas que Charlotte - qui avait été choisie initialement pour le rôle de son père - aurait fait mieux si elle avait réussi l'impossible c'est-à-dire se travestir pour affronter un terrible complexe d'Oedipe.
Au début du film, Doug JONES alias "La gueule" est un peu trop présente. Cette facette onirique semble en outre un dérivé de la caricature nazie du juif. Elle est chassée par l'arrivée de la regrettée Lucy GORDON. En effet, une des idées intéressantes du scénariste-réalisateur est de laisser penser que Jane a plus fait Serge que Gainsbourg Birkin. L'idée est connue: "derrière chaque grand homme il y a une femme". Derrière Gainsbourg aux multiples facettes qui évoluent au cours du temps, il y a toutes ses femmes-interprètes.
D'ailleurs le film me semble construit sur les rencontres qui ont fait "avancer" le pygmalion Gainsbourg. Ainsi défilent les acteurs et actrices qui interprètent avec plus ou moins de fidélité leur personnage respectif. Les femmes sont  belles et envoutantes, les hommes créatifs et laids. Je trouve que le casting est un succès. La diction de Sara FORESTIER, de Laëtitia CASTA ou de Lucy GORDON m'a un peu gênée. En effet, France Gall, qui a inspiré "Comme d'habitude" à Claude François, "Lettre à France" de Michel Polnareff et de nombreuses chansons à Michel Berger, ne pouvait être si nunuche (même si elle a affirmé n'avoir compris le véritable sens des "sucettes" que bien après l'avoir chanté). Brigitte Bardot a une manière de parler halettante qui est dur à reproduire avec sensualité. La beauté incroyable de Laëtitia n'est pas cependant un pâle plagiat de Brigitte! Enfin les fautes de français de Jane Birkin sont un peu trop soulignées ce qui n'est pas forcément utile.

LA PROVOC' EST UN CRI D'AMOUR

Lucien aurait été à jamais ignoré par le public s'il n'avait décidé de provoquer. La provocation a été d'une part une nécessité mais elle est aussi la marque des génies et novateurs. Gainsbourg est un précurseur en France pour le rap, le reggae, le rock progressif et voire même le Trip Hop. J'ai été heureux de découvrir il y a peu de temps que Karmacoma (Portishead Experience) de Massive Attack comportait un sample de Cargo Culte du cycle Melody Nelson.
En outre, les chansons provocantes à caractères sexuelles sont écrites par l'Amour que lui a inspiré quelques femmes.
Le détournement d'un Hymne National n'est pas nouveau. Hendrix et les Sex Pistols l'ont fait respectivement en 1969 et en 1977 avec The Star-Spangled Banner et God save the Queen. La version Reggae de la Marseillaise fait aussi scandale en 1979. Le chanteur redonne son sens révolutionnaire à la "sornette" de Claude Joseph Rouget de Lisle. Lors d'une vente aux enchères, il acquiert les manuscrits à prix d'or et s'émeut de voir qu'il y ait écrit "Aux armes ectera". Peut-on douter du patriotisme de l'artiste?
Ensuite le passage définitif du coté obscur et la chute de Gainsbarre dans l'alcoolisme radical sont expliqués par le décès de son père que l'artiste pleure à travers la perte de son chien. Vouloir entendre que les autres parlent de soi ne peut être qu'une façon désespérée d'exorciser de terribles blessures et des traumatismes passés.

LES GINSBURG SONT JUIFS (et les Sfar aussi)

L'oeuvre de Serge n'est pas imprégnée de judaïsme. Je ne pense pas qu'il ait été très religieux et usé beaucoup les bancs des synagogues. Et pourtant! Quand on lit un article de la Tribune Juive sur ce sujet, on s'aperçoit que l'artiste était un sioniste inconditionnel.
Dans le film, il ressort surtout l'importance de la famille juive russe: une mère d'une grande tendresse, un père artistiquement exigent, un frère fantôme et des soeurs admiratrices. La présence du père ashkénaze est si forte qu'on peut se demander si elle ne supplante l'exubérence des mères juives sépharades. Certains discours de Ginsburg fils relèvent directement des enseignements paternels.
L'anecdote de l'"étoile de sherif" que porte le jeune Lucien lors de la guerre est retranscrite avec humour grâce à son attrait pour les westerns américains.
Enfin à travers cette biographie à la sauce Sfar, l'auteur du "Chat du rabbin" revendique à nouveau  son judaïsme et implicitement son amour pour son propre père. Ce dernier était présent à l'avant-première. Joann Sfar est monté l'embrasser dans la salle bondée du Pathé Masséna avant même de continuer sa présentation du film.

CONCLUSION

Ce film montre l'image que se fait Joann Sfar de Gainsbourg. Il ne dure que 2h et quelques! Comment dans ces conditions tout dire, tout énumérer, mettre tout un rêve, tout un conte, décrire une légende? Evidemment cela n'est pas faisable. Il y a une sélection d'événements ou de chansons que le fan ne peut que déplorer. Le BDiste (désolé! je sais à présent que ce terme n'est pas apprécié par les personnes concernées) a pioché le meilleur selon lui. Or rares sont les individus qui peuvent dire qu'ils aiment l'intégralité de l'oeuvre de Gainsbourg tellement elle est hétéroclite.

Certaines scènes sont magiques et méritent vraiment d'être vues. Alors "rendez-vous avec vous" le Mercredi 20 Janvier 2010.


PS: Je vous conseille de lire la BD making of de Matthieu Sapin (bien qu'incomplète sur le site... probablement en intégralité à la FNAC ou Virgin). De même admirer les dessins de Sfar.

PS2: Le nouvel album de Charlotte est bon et produit par Beck qui a chanté aussi bien avec la fille dans "Heaven can wait" que avec la mère dans une reprise de "l'Anamour". Mais ont participé à cet opus Air, Neil Hannon (The Divine Comedy), Nigel Godrich (Radiohead), etc.

PS3: Joann Sfar qui joue le rôle de Georges Brassens a révélé que ce dernier était son chanteur préféré.
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